Le 5 septembre 2023, le Copyright Review Board a rendu son verdict concernant la demande d’enregistrement de l’image intitulée « Théâtre d’Opéra Spatial » créée à l’aide du logiciel Midjourney. Cette décision, qui repose sur un équilibre subtil entre l’intervention humaine et l’autonomie de l’IA, a jeté une lumière nouvelle sur la complexité de la création artistique en plein essor.
Le processus de génération de l’image : quand l’IA et l’humain collaborent à la création
Jason Allen, un créateur de jeux vidéo, s’est hissé en tête du concours d’art numérique de la Colorado State Fair le 29 août avec son oeuvre « Théâtre d’Opéra Spatial » généré par l’IA Midjourney. Cette victoire a suscité la controverse, certains participants accusant l’artiste de pratiquer la tricherie. La demande d’enregistrement de l’image soulève des questions cruciales quant à la créativité partagée entre l’IA et l’humain.
L’une des nuances fascinantes de cette décision réside dans la description détaillée des différentes étapes de production de l’image, telles que présentées par Jason Allen qui se revendique comme « auteur » de l’œuvre. Contrairement à une création entièrement autonome de l’IA, l’image soumise à l’enregistrement avait subi de nombreuses transformations de la part de Jason Allen.
Ce dernier expliquait avoir saisi 624 suggestions pour parvenir à l’image « sous-jacente » de la demande d’enregistrement, c’est-à-dire l’image non retravaillée produite par l’IA. Il considérait cette série de suggestions comme une première forme de « contribution créative« . Ces actions avaient abouti à la production de l’image sous-jacente par le biais de Midjourney. Une fois cette image jugée satisfaisante, Jason Allen l’avait ensuite retravaillée, en utilisant notamment le logiciel Adobe Photoshop.
Le Copyright Office ne contestait pas la dimension créative apportée par celui-ci. Plutôt que de rejeter la protection purement et simplement, comme cela se fait habituellement pour les œuvres générées par IA sans intervention humaine, il proposait de limiter la protection au travail créatif de Jason Allen, en excluant uniquement l’image sous-jacente. En d’autres termes, cela équivaudrait à limiter la protection à un arrangement musical, tout en excluant la composition originelle.
Face à son refus de renoncer à la protection de l’image sous-jacente, l’Office avait finalement rejeté la demande. Jason Allen avait alors fait appel à la Commission de Réexamen, qui avait également rejeté sa demande, comme en témoigne la décision analysée ici.
Entre création humaine et lignes directrices du Copyright Office
La Commission de Réexamen justifie son refus de protection en s’appuyant sur des précédents juridiques, notamment la récente décision Thaler c/ Perlmutter, qui stipule que la notion d’auteur implique une composante humaine dans la création. De plus, elle se réfère aux directives du Copyright Office concernant les contenus générés par IA, soulignant ainsi la richesse d’enseignements que ces lignes directrices apportent.
La décision du Copyright Review Board met en lumière les défis et les enjeux entourant la créativité partagée entre l’IA et l’humain. Cette affaire ouvre la voie à des discussions essentielles sur la manière dont les œuvres générées par IA doivent être protégées, tout en reconnaissant la contribution créative des intervenants humains.
***
Deshoulières Avocats est un cabinet d’avocats en propriété intellectuelle et nouvelles technologies. Vous pouvez dès à présent demander un devis gratuit ici.