Un employeur ne peut pas prendre connaissance des messages personnels d’un salarié, même sur une messagerie installée sur un ordinateur situé sur le lieu de travail. C’est ce qu’illustre un arrêt de la Cour de cassation du 23 octobre 2019. Où se situe précisément la frontière entre le caractère professionnel et le caractère privé de messages envoyés depuis un ordinateur professionnel ?
Qu’est-ce que le secret des correspondances ?
Le secret des correspondances fait partie du droit au respect de la vie privée. Il s’agit d’un droit au maintien du caractère privé et secret des échanges dont l’expéditeur est en droit d’attendre un certain degré de confidentialité.
Dans le monde du travail, qualifier des échanges de « confidentiels » est lourd de conséquences. En effet, si un employeur cherche à prouver la faute d’un salarié en violant sa vie privée, il ne peut se prévaloir de ces faits fautifs pour justifier son licenciement.
L’intrusion d’un employeur dans la messagerie personnelle d’une salariée
La jurisprudence française avait déjà affirmé que l’employeur peut accéder à la messagerie professionnelle d’un salarié même lorsque l’intéressé est absent de son poste de travail. Toutefois, l’employeur a-t-il le droit d’accéder à la boîte aux lettres électronique personnelle d’un salarié, utilisée à partir d’un ordinateur professionnel ?
Le litige trouve sa source dans des faits remontant à 2006. Une salariée en arrêt maladie reçoit un message de son employeur lui demandant les codes d’accès à son ordinateur professionnel. En dépit de sa réticence, elle obtempère, en lui précisant bien que l’ordinateur contient des données personnelles. L’employeur en profite pour s’introduire dans sa messagerie instantanée personnelle. Il découvre alors que l’intéressée avait notamment échangé avec une collègue de l’entreprise des documents confidentiels. Suite à ces découvertes, la salariée est licenciée pour faute grave, malgré ses 17 ans d’ancienneté.La messagerie électronique personnelle consultée depuis un ordinateur professionnel a un caractère privé
Elle conteste alors son licenciement devant la juridiction prud’homale, estimant que l’intrusion dans sa messagerie instantanée personnelle constituait une violation de sa vie privée et donc du secret des correspondancesLa Cour d’appel avait considéré que l’employeur ne pouvait pas accéder à la messagerie instantanée personnelle de la salariée sans violer le secret des correspondances. Motif de la décision : cette messagerie contenait des éléments relatifs à la vie privée. La Cour de cassation s’est alignée sur ce raisonnement, en précisant que « les messages électroniques litigieux, échangés au moyen d’une messagerie instantanée, provenaient d’une boîte à lettres électronique personnelle distincte de la messagerie professionnelle dont la salariée disposait pour les besoins de son activité, la cour d’appel en a exactement déduit qu’ils étaient couverts par le secret des correspondances » .