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Demain, nous jugerons des robots

par | 31 Mar 2017 | Arbitrage, Nouvelles technologies

La responsabilité des robots sociaux soulève de nouvelles questions juridiques, auxquelles pourrait répondre un nouveau type de tribunal : la smartcourt, un tribunal pour robots. Explications.

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Le smartcontract, un contrat dans une blockchain

La blockchain est un procédé électronique de certification décentralisé. Elle fonctionne un peu comme un cloud qui relierait des milliers d’ordinateurs. Dès qu’un fichier est modifié sur un des ordinateurs, toutes les répliques de ce fichier se trouvant sur les autres ordinateurs sont également modifiées, si bien que chaque détenteur d’un ordinateur peut attester de la modification du fichier.

Un smartcontract est un petit logiciel qui est placé dans une blockchain. Ce logiciel a cela de particulier qu’il exprime une règle juridique sous forme de code informatique. Si deux personnes souhaitent que cette règle s’applique entre elles, elles peuvent conclure ce smartcontract, qui s’autoexécutera selon la règle définie.

Par exemple, une entreprise française pourrait conclure avec une société indienne un smartcontract pour le développement de son site web. Le prix du contrat serait alors « bloqué » par l’entreprise française sur ce smartcontract. C’est ce qu’on appelle une consignation. Cette somme serait alors automatiquement versée à la société indienne grâce à une autoexécution du smartcontract lorsque l’entreprise française validerait la réception du site.

Du smartcontract à la smartcourt

Mais que se passerait-il si la société française ne validait pas la réception du site web ? Comment la société indienne pourrait-elle être payée ? C’est à cette question que le concept de smartcourt propose de répondre.

Si l’entreprise française ne valide pas la réception du site, le litige serait alors automatiquement renvoyé à une smartcourt, tribunal dématérialisé, lui-même encodé dans une blockchain. Le litige serait résolu en ligne très rapidement grâce à des échanges d’arguments et de pièces dématérialisées, comme sur la plateforme FastArbitre. Une fois la décision prise, celle-ci serait retransmise au smartcontract, qui autoexécuterait la décision de la smartcourt. C’est simple, rapide, pas cher, et ça évite d’avoir un procès international qui dure plusieurs années.

La smartcourt, un tribunal pour robots

Finalement, la smartcourt permet à deux entreprises qui ne se connaissent pas et qui ne se font pas confiance de travailler ensemble, car elles savent que la smartcourt solutionnera rapidement un éventuel litige. L’identité du cocontractant n’a plus d’importance. Sa personnalité juridique est indifférente. Grâce à la smartcourt, c’est-à-dire grâce à un système alliant consignation (ou assurance) et autoexécution, les parties au contrat peuvent coopérer sans connaître leur identité.

La smartcourt permet ainsi concrètement de rendre la justice entre deux parties, sans avoir besoin du concept de personnalité juridique. Seule compte l’identité numérique sur le réseau. Peu importe que l’identité numérique soit celle d’une ou plusieurs personnes physiques, d’une personne morale ou celle d’un robot autonome. L’autoexécution et la consignation permettent de solutionner les litiges, sans que cette justice dématérialisée ne requière l’identification d’une personne.

Des robots responsables de leurs actes

Nous avons donc la possibilité de rendre une justice sans personnalité juridique. C’est précisément pourquoi la smartcourt pourrait être un tribunal pour robot. Il s’agit d’une opportunité qui permettrait de résoudre certains problèmes actuels concernant la responsabilité des robots sociaux. Qu’il s’agisse des drones interactifs, des voitures autonomes ou des robots de compagnie, la même question revient toujours : à qui imputer la faute de ces robots ? Au concepteur du matériel ? Au développeur du logiciel ? A la personne responsable de la maintenance ? A son propriétaire ? L’entremêlement des responsabilités risque de jouer comme un obstacle à l’indemnisation des victimes.

En imposant d’associer à tout robot social une consignation ou une assurance, ces robots pourront devenir par eux-mêmes responsables de leur agissement devant une smartcourt, sans qu’on n’ait à se poser la question de l’imputation de la faute. Car les robots seront à l’avenir des sujets de droit.

Auteur : Etienne Deshoulières

Fondateur du cabinet Deshoulières Avocats, Etienne Deshoulières est avocat au barreau de Paris. Il est également enseignant en propriété intellectuelle et droit de l’arbitrage pour l’Université Panthéon-Assas. Titulaire de quatre masters en droit, il a été formé dans les universités APU (Cambridge), Humboldt (Berlin), Panthéon-Assas (Paris), UQAM (Montréal) et Paul-Valéry (Montpellier 3). Il dispose de compétences étendues en propriété intellectuelle, droit des nouvelles technologies et droit de la communication.

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